« On détruit beaucoup d’êtres vivants sans le savoir et par un ensemble de très petites mesures, il est possible que cela ne devienne pas une fatalité », déclare Jean-François Terrasse depuis sa réserve naturelle d’Errota Handia (le grand moulin) qu’il s’évertue à restaurer et sauvegarder depuis bientôt quarante ans au sein du village d’Arcangues.
« Même s’il n’est pas exceptionnel, ce vallon de 10 ha présente plus de 350 espèces végétales, des habitats très diversifiés, fréquentés par une faune souvent répertoriée parmi les espèces protégées ou même menacées en Europe, par exemple la cigogne ou le martin-pêcheur. Depuis que je m’en occupe, j'y découvre sans arrêt de nouvelles espèces », explique cet ancien pharmacien, ornithologue autodidacte.
Une digue en pierres de taille retient un lac dont les eaux actionnaient un moulin maintenant désaffecté et démantelé. Cet ensemble monumental remonterait à la deuxième moitié du XVIIe siècle, époque des grands travaux commandés par Louis XIV pour la réalisation de sa flotte au Pays Basque, et le moulin aurait actionné une forge ou un concasseur. Converti en moulin à farine, son activité s’est poursuivie jusqu’à la fin des années 1930 avant de péricliter pendant la guerre.

Des travaux herculéens
Lorsqu’il prend possession du site dans les années 60, une forêt se dresse à l’emplacement du lac dont les eaux se sont écoulées par les brèches du barrage à l’abandon. Avec peu de moyens et une grande détermination, l’ornithologue fait un inventaire des espèces végétales et animales et il décide de restaurer l’ensemble du site pour que la biodiversité y soit préservée et qu’il redevienne un havre pour les oiseaux migrateurs. Les arbres qui encombrent le fond de la vallée sont coupés et dessouchés. Une fois dénudée, la terre est creusée pour la déplacer contre le mur de pierres et former une nouvelle digue d’argile compactée. Le déversoir (ouverture supérieure dans le barrage par où s’écoule le trop-plein en cas de crues) est abaissé d’un mètre pour que le lac une fois reconstitué ne couvre plus que 3 ha au lieu de 7. Les alentours sont débroussaillés (pas trop) et il obtient l’autorisation d’interdire la chasse sur sa propriété.
Afin de pérenniser son œuvre, il la fait classer « Réserve Naturelle Volontaire », puis « Réserve Naturelle Régionale », et se fait assister dans la gestion et le suivi écologique par le CREN (Conservatoire Régional d’Espaces Naturels) et dans les travaux d’entretien par la MIFEN (Maison d'Initiation à la Faune et aux Espaces Naturels). Il poursuit son travail d’inventaire des espèces et vient de déceler la présence d’une libellule très rare, l’agrion de Mercure, tandis que les oiseaux migrateurs reprennent l’habitude de fréquenter les lieux pour se reposer ou se reproduire.


Préserver la biodiversité
Il faut dire qu’il n’a rien d’un néophyte. Naturaliste passionné depuis sa plus tendre enfance, pharmacien comme son grand-père qui l’emmenait herboriser, il contribue avec énergie, parallèlement à l’exercice de sa profession, à militer pour la protection de la faune et de la flore sauvages. Avec son frère, il crée le fonds d’intervention pour les rapaces, devient cinéaste animalier pour l’émission de François de la Grange, adhère à la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). A 50 ans, il entre comme directeur scientifique à la section française du WWF (World Wildlife Fund – association mondiale de protection de la nature), intègre le Conseil National de Protection de la Nature (organisme consultatif auprès du ministère de l’environnement), et devient administrateur du Conservatoire du Littoral. Il participe ainsi, par exemple, parmi de nombreux projets, à la réimplantation des rapaces dans les Grands Causses ou à la protection des zones humides (comme la réhabilitation du marais d’Orx dans les Landes).
Des mesures simples pour protéger l’environnement
« Les solutions pour préserver l’environnement sont connues depuis les années 70 : par exemple, s’assurer que les eaux usées ne polluent pas les ruisseaux, proscrire l’usage de produits chimiques dans les jardins, remplacer la lessive par des détergents biologiques, prendre un panier pour les courses et n’acheter que des produits biologiques de saison », cite-t-il avant d’ajouter : « Et pour l’agriculture, préserver une bande d’herbe entre les champs et les cours d’eau, alterner maïs et légumineuses (trèfle ou luzerne) pour ne pas laisser la terre nue : faisant office d’éponges ces dernières limitent le ruissellement des eaux de pluie et favorisent leur infiltration jusqu’aux nappes phréatiques. Labourées et enfouies dans la terre, elles constituent un engrais vert réduisant le recours aux produits chimiques ».

Dans un souci de préservation de la tranquillité du site, celui-ci ne peut être visité.

SOMMAIRE

 


Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues

Article paru le samedi 27 avril 2006 : "La cigogne et le martin-pêcheur"